L’ordonnance 2020-316 du 25 mars 2020 et le décret 2020-378 du 31 mars 2020 relatifs « au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de covid-19 » sont venus préciser les annonces du Président de la République en matière de paiement des loyers commerciaux et professionnels durant l’épidémie.
- Quels sont les locataires concernés ?
L’article 1 de l’ordonnance précise que les locataires susceptibles de bénéficier de ce dispositif sont :
- les personnes physiques et morales de droit privé ayant leur résidence fiscale en France ;
- titulaires d’un bail commercial ou professionnel ;
- exerçant une activité économique ;
- qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020, à savoir celles exerçant une activité économique et qui sont particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation.
Peuvent en bénéficier celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire (sur production d’une attestation du mandataire désigné en justice).
Les conditions d’éligibilité viennent tout juste d’être précisées par le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 et sont les suivantes :
- Avoir débuté son activité avant le 1er février 2020 ;
- Ne pas avoir déposé de déclaration de cessation de paiement au 1er mars 2020 ;
- Avoir un effectif inférieur ou égal à dix salariés ;
- Avoir réalisé un chiffre d'affaires HT lors du dernier exercice clos inférieur à 1 000 000 euros ;
Cas particulier des entreprises n’ayant pas clos un exercice à le chiffre d'affaires mensuel moyen entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 doit être inférieur à 83 333 euros ;
- Avoir réalisé un bénéfice imposable (augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant) au titre du dernier exercice clos inférieur à 60 000 euros ;
Cas particulier des entreprises n’ayant pas clos un exercice à le bénéfice imposable est établi à la date du 29 février 2020 et ramené sur douze mois ;
- Ne pas être titulaire, au 1er mars 2020, d'un contrat de travail à temps complet ou d'une pension de vieillesse et ne pas être bénéficiaire, entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d'indemnités journalières de sécurité sociale d'un montant supérieur à 800 euros ;
- Ne pas être contrôlées par une société commerciale au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce ;
En cas de contrôle d’une ou plusieurs sociétés commerciales, la somme des salariés, des chiffres d'affaires et des bénéfices des entités liées respectent les seuils d’effectifs ci-dessus.
- Avoir soit fait l'objet d'une interdiction administrative d'accueil du public entre le 1er et le 31 mars 2020, soit avoir subi une perte de chiffre d'affaires supérieure à 70 % pendant cette période par rapport à l'année précédente.
Cas particulier n°1 : entreprises créées après le 1er mars 2019 à la perte s’apprécie par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020.
Cas particulier n°2 : personnes physiques ayant bénéficié d'un congé pour maladie, accident du travail ou maternité entre le 1er mars 2019 et le 31 mars 2019 (ou personnes morales dont le dirigeant a bénéficié d'un tel congé) à la perte s’apprécie par rapport au chiffre d'affaires mensuel moyen entre le 1er avril 2019 et le 29 février 2020.
- Quelles sont les aides accordées ?
Alors que le discours du Président évoquait une suspension de l’exigibilité des loyers commerciaux et que la loi d’habilitation du 24 mars 2020 envisageait quant à elle des reports et/ou étalements, les modalités d’aides aux entreprises en la matière sont pour l’instant assez limitées.
En effet, le texte dispose ainsi que les locataires ne peuvent encourir les sanctions suivantes en cas de défaut de paiement de loyers ou de charges locatives :
- pénalités financières ;
- intérêts de retard ;
- dommages-intérêts ;
- astreinte ;
- exécution de clause résolutoire ;
- exécution de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance ;
- activation des garanties ou cautions.
Cette protection concerne les loyers et charges locatives exigibles à compter du 12 mars 2020 et jusqu’à deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 23 mars 2020.
En résumé, les loyers et charges sont donc dus mais certaines sanctions qui peuvent découler du non-paiement, selon les stipulations du contrat, sont neutralisées.
En théorie, une action en paiement peut donc être initiée par le bailleur en cas de non-paiement
En pratique, les tribunaux ne sont pas en mesure, en ce moment, d’émettre des décisions sur ces sujets.
Le décret a pour objectif de protéger les preneurs d’une action tendant à mettre fin au bail, tout en préservant la trésorerie des bailleurs.
Afin de pouvoir solliciter le bénéfice de ces mesures, il conviendra de produire :
- une déclaration sur l'honneur attestant du respect des conditions d’éligibilité et de l'exactitude des informations déclarées et de
- présenter l'accusé-réception du dépôt de sa demande d'éligibilité au fonds de solidarité ou,
- lorsqu'elle a déposé une déclaration de cessation de paiements, une copie du dépôt de cette déclaration ou du jugement d'ouverture d'une procédure collective.
Il convient en revanche d’éviter d’accumuler des impayés trop importants pour éviter lors de la sortie de l’état d’urgence sanitaire, et de la reprise des activités judiciaires d’être en situation d’acquisition de la clause résolutoire du bail.
Notre conseil est donc, en cas de difficulté de paiement, d’entrer dès à présent en discussion avec le bailleur afin de parvenir à un accord amiable, en convenant notamment d’un échéancier selon l’impact de l’épidémie sur votre situation. Cette démarche permettra d’ailleurs de ménager une preuve de votre bonne foi si toutefois votre situation devait aboutir à un contentieux. |
Emmanuelle ASSO et Evane PEREIRA ENGEL BLONDET, Avocats
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